La discrète

Mes voisins m'ont toujours bien aimée.

Du moins ils m'ont tolérée, affichant dans les couloirs ou l'ascenseur, une indifférence très légèrement teintée de bienveillance. Certains relevaient un peu, en me croisant, les coins de leurs lèvres; sourire ou simple tic nerveux, le mystère demeure.

Où que j'habite j'ai été discrète donc appréciée.

Avec moi pas de fête, ni de rentrée tardive.

Pas de copain, pas de copine, pas de sexe et aucun rire. Ma porte n'a jamais claqué.

Une bonne voisine est un voisin qu'on ne voit pas, qui ne se plaint jamais.

De fait, mes voisins n'ont entendu parlé de moi,

Que les quelques fois où j'ai tenté de me supprimer.

Il faut dire que si les secours sont secourables, ils sont très peu discrets. Alors ces jours là, ces nuits là, les gens se sont rendus compte que j'existais à travers le bruit que l'on faisait pour me maintenir en vie.

Des témoins qui puissent valider la réalité de mon existence : voilà bien ce que je hais.