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Une âme effarouchée
1 avril 2024

Flageolets

Le calme règne au point qu'on aurait pu entendre voler la mouche qui se serait incrustée au salon par la fenêtre entrouverte.
Hélas, aucune mouche en vue dans la pièce, la fenêtre est fermée, toute possibilité d'issue clôturée, nous sommes piégés, englués dans l'ici et le maintenant. Nos oreilles ne perçoivent que des bruits de mastication, de déglutition, des bruits de couverts qui se cognent, des verres qu'on repose. Des raclements de gorge.
On avale des flageolets, parce qu'on mange de l'agneau et que l'agneau on le mange avec des flageolets, c'est comme ça (parce que ça a toujours été comme ça), même si personne dans cette maison n'est capable de digérer correctement les flageolets ni de pouvoir affirmer, sans mentir, aimer un peu les flageolets.
Un fait divers est évoqué, sujet tombé du ciel (ou d'un téléphone, ou d'une télé), idéal pour dégonfler le silence qui menaçait de se tendre un peu trop.
"La gamine, l'enfant violé puis tué peu après, c'est terrible ! ç'aurait pu être moi petite" elle dit ça en secouant doucement sa tête de quinqua, les yeux à demi fermés d'indignation face à la violence injuste qui enlaidit le monde. On sait bien qu'elle joue la comédie, trop heureuse d'afficher la moue (sa préférée) d'humaniste indignée; boursouflures de sentimentalité (vulgaire car feinte) dont l'excès donne envie de tousser, de cracher ou de vomir.
On a envie de se lever de cette chaise cannée et de répliquer, se penchant vers la quinqua, les deux mains posées à plat sur la table, : "oui ç'aurait pu être toi, ç'aurait pu être moi, ou bien ç'aurait pu être un de nos voisins ... ç'aurait pu être toi plus vieille si le criminel s'en était pris à une octogénaire... Et même, tu sais, ç'aurait pu être toi le tueur, oui tu aurais pu être le violeur puisqu'on aurait tous pu exister à la place de l'autre sans que personne n'ait eu à choisir quoi que ce soit !".
Mais on se tait - on vient d'un milieu tant civilisé qu'on ne dit jamais ce qu'on pense, ni ce qu'on rêve de dire - on respire lentement, en se remémorant la voix paisible d'un ancien professeur de Qi gong. 
Puis on boit une gorgée d'eau gazeuse pour avaler les couleuvres et ces maudits flageolets.

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Commentaires
O
... nouvel essai : l'officieux. <br /> Vous ne manquerez pas de saluer mon acharnement à virtuellement EXISTER...
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O
... mais l'adresse est déjà devenue obsolète : la mutation aberrante et despotique de canalblog vient de me priver de tout accès à mon blog, sous le prétexte que je n'existe pas. Je reprends mon errance numérique en quête d'un havre bienveillant - si je n'écris plus, je reste une de vos lectrices assidues !
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C
Vous n'existez pas ! Terrible annonce !<br /> Tout ça prouve bien que ne nous sommes pas propriétaires de grand chose sur la toile... <br /> N'hésitez pas à me tenir moi au courant si vous ouvrez un nouveau blog ailleurs.
O
Et puis un jour, un jour longtemps après, on donnerait n'importe quoi pour manger à nouveau son agneau aux flageolets, parce qu'elle ne les cuisinera plus jamais et qu'il ne nous reste plus, hélas, que les comédies humanistes indignées qui savent à peine cuisiner et ne se donnent même plus la peine de réunir la famille (non mais vous c'est pas possible, vous devez être le frère que je n'ai jamais eu eu qui hante feu mes épisodes familiaux)
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O
Voilà : je crois que je suis mieux identifiée ainsi.<br /> J'ai dans un premier temps abandonné mes blogs, tenté vainement de trouver une plateforme où je me sente à l'aise, fait quelques désastreux essais, pour finalement revenir aux sources... bien que fort peu convaincue par la nouvelle formule. <br /> Votre blog a été un des premiers que j'ai retrouvés, mais j'en cherche encore quelques uns dont je ne retrouve pas la trace.
C
Avez-vous toujours un blog dans le coin ?<br /> J'ai perdu mes repères avec la migration de Canalblog et je ne le retrouve pas.
Une âme effarouchée
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