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Une âme effarouchée
29 avril 2024

Restée au salon

Au salon, on parle tranquillement, elle et moi, assis mollement sur mon canapé lit. De temps à autre, son visage-à-elle paraît sanctifié par de brusques éclairs de soleil venus crever les nuages (du ciel) et le voilage (de la fenêtre). Un petit bol d'amandes traîne sur la table basse, accompagné par deux verres vides et un flacon non entamé d'huile de massage "ayurvédique". Les plantes vertes nous entourent, la musique et le chant des mésanges comblent les courts silences qui nous séparent l'un de l'autre. Pourquoi donc, alors que les chakras semblent enfin alignés sur la ligne du destin, pourquoi donc me sentir aussi bêtement mâle accolé à cette femelle ?
Une chanson pas gaie lance ses premiers accords dans la pièce, je reconnais immédiatement le titre "Magician (internally)" alors je m'éclipse, prétextant le besoin d'aller aux toilettes. Pour de vrai, une fois dans ses dernières, je guette, à travers le chétif mur qui les séparent du salon, la voix de Lou Reed et j'imagine celle-que-j'ai-laissée-là-bas écouter les paroles avec un air attendri, se demandant si ma playlist revêt une importance particulière au regard de mon histoire personnelle, si les mots qu'elle contient et leur agencement correspondent aux pensées qui peuplent mon cerveau. 
C'est un peu absurde, puéril aussi, mais je crois l'avoir laissée seule au salon afin qu'elle puisse penser davantage à moi. Grâce à mon absence, à coup sûr, elle grimpe en ce moment même des montagnes d'émotion, se questionnant sur les excitants mystères de ma personnalité et de ma biographie. 
Tandis que mon oreille reste collée au mur, surgit dans mon esprit une image particulièrement nette : assise sur le canapé lit, la tête tournée vers le haut-parleur pour mieux entendre le son et le fond, la musique et le texte, celle-qui-est-restée-au-salon se mord la lèvre inférieure, sensuellement, ressentant envers moi une fougue de tendresse menaçant de submerger son coeur. 
Très ému aussi de mon côté, je mime avec les lèvres, face au miroir surplombant le lavabo, quelques lyrics : "Fly me through the storm and wake up in the calm".
Je connais le titre par coeur et dans la glace, je me trouve pas mal du tout dans le genre chanteur mystérieux, je pense que j'ai peut-être même un peu de charme (quelque part). Voulant approfondir cette idée, et soucieux de me rassurer encore, je soulève d'une main mon t-shirt pour voir avec plaisir les dessins assez nets formés par mes abdominaux.
Comment cet homme si mystérieux, ce presqu'artiste aux impeccables abdos, pourrait ne pas plaire à cette femme (ou à n'importe quelle femme) ?
Gonflé à bloc, je retourne au salon.
Celle-qui-y-est-restée est toujours assise mais la tête penchée vers ses genoux, absorbée par un message qu'elle rédige sur le clavier de son téléphone. Elle se mord la lèvre inférieure, de façon répugnante, comme pour s'empêcher d'éclater de rire s'empêcher de se moquer s'empêcher de montrer qui elle est vraiment ... 
Ne m'a t'elle donc pas vu revenir ? Ou 
a t'elle déjà oublié que j'ai brièvement existé  ?

 

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