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Une âme effarouchée
11 octobre 2017

Fermé

Je laisse passer un métro bondé, car j'ai tout mon temps et je n'aime pas être compressé contre des chairs inconnues.
Peu de temps après, je rentre dans un wagon (à moitié rempli cette fois) où j'ai la chance de trouver une place assise et pas trop souillée.
J'observe l'homme se tenant debout contre la barre verticale, je note mentalement les traits de son visage, les reliefs de sa chevelure et la marque de son survêtement au cas où la police me questionnerait après coup sur cet individu, peut-être coupable de mauvais coups passés (ou d'attentats à venir).
Le pire est toujours possible et l'ennemi se dévoile souvent au dernier moment, il convient donc de rester aux aguets.
Le métro pénètre lentement un tunnel, je tourne mon visage vers la vitre opaque afin que la tristesse de ses traits soit moins accessible aux yeux d'autrui.
Par jeu de reflets, j'observe une femme penchée sur un livre, je la trouve belle et je prends plaisir à la regarder à la dérobée.
Je me demande quel peut-être son gâteau préféré, quelle nage elle préfère pratiquer à la piscine et si elle est allergique à une quelconque substance.
Elle porte une chemise à col Mao, un manteau aussi coloré qu'un perroquet et un sac japonais, drôle d'alliage.
Serait-elle volontaire pour enterrer sa destinée et ses ambitions avec moi (et quelques bêtes) dans les bois ?
Je me questionne et je débats intérieurement afin de déterminer si, vraiment, notre histoire pourrait durer plus longtemps qu'un trajet d'une dizaine de stations de métro.
J'ai dû mal à savoir si je préfèrerais qu'elle me donne un fils, une fille, les deux, ou alors juste son amour pour moi tout seul; je n'ai jamais beaucoup aimé partager en vérité.
Perdu dans mes digressions mentales, je reprends pied dans la réalité juste à temps pour voir mon inconnue descendre, prestement, à l'arrêt suivant.
Sans se retourner.
Je poursuis mon parcours souterrain jusqu'au terminus de la ligne, je marche ensuite un petit quart d'heure dans des rues sales; j'ai froid, le vent est acéré comme un Opinel aiguisé, je sens mes os trembler et ma viande se contracter sous l'effet de l'anxiété.
La solitude est tant ancrée en moi que je suis même surpris lorsque je remarque que mon ombre est encore là.
Les regards des quidams transpercent ma peau froide comme des lasers intrusifs, ou des scanners puisant à la source même de mes pensées.
En une fraction de seconde, la foule prend connaissance de mes faiblesses et de mes hontes, j'en ai la soudaine et intime certitude.
Je me sens nu, fragile et épuisé lorsque je parviens, enfin, à accéder aux lieux où je voulais me ressourcer.
Une chaîne... un cadenas... et un panneau qui annonce violemment "fermé aujourd'hui".
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