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Une âme effarouchée
17 juillet 2022

Lentdovic

Ludovic arrive à Lidl assez tôt, aux environs de 10h30.
Il ne travaille plus depuis quelques années (plus de 7 déjà !) et a donc toute liberté pour composer son emploi du temps. Mais, même à cet horaire supposé calme, il y a foule au discount et la plupart des clients semblent dans l'urgence.
On le dépasse, on lui dit pardon, on lui fait comprendre - assez poliment mais fermement - qu'il est trop lent, trop long, qu'il a le tort de prendre du temps à ceux qui en ont grand besoin. En tout cas, plus besoin que lui qui n'en fait rien, qui gaspille parfois de précieuses minutes à lever les yeux au ciel en pleine rue ou à faire du surplace dans les allées des magasins. 
La tête lui tourne face à cette agitation, il se sent vieux et dépassé.
Obsolète. 
Les clients se précipitent dans les rayons, un téléphone souvent collé à l'oreille. Comment ces gens peuvent ils faire leurs courses aussi rapidement, tout en blablatant avec quelqu'un à l'autre bout du fil ? se demande Ludovic. 
Une autre partie de son cerveau lui susurre qu'ils sont jeunes, déjà, qu'ils sont actifs, ensuite, ils n'ont pas que ça à faire, il leur faut se hâter s'ils ne veulent pas se faire avaler par le grand tapis roulant de l'existence. 
Les employés du magasin aussi lui font comprendre qu'on ne doit pas choisir ses avocats au rythme d'un sénateur retraité. Ils poussent des palettes, tirent des chariots, repoussent Ludovic sur le bord des allées comme un vieux fruit périmé. 
C'est vrai que Ludovic est lent, il en convient, mais pourquoi se presserait-il? La vitesse est elle une qualité en soi ? Rien ne l'attend chez lui sinon ses plantes vertes et la télé qu'il n'allume pas de peur de devenir aussi laid et aigri que les gens qui hurlent dedans. 
Le voudrait-il, qu'il ne pourrait de toute façon plus adopter la vitesse élastique des gens occupés et couverts de responsabilités. Parfois, en guise d'exercice et par défi envers lui-même, il se dépêche autant qu'il le peut pour arpenter avec célérité les trottoirs tordus de sa ville. On le dépasse pourtant aisément de tous côtés, sans que les traits des gens plus rapides n'affichent de traces d'effort visibles.
Les semelles de Ludovic doivent être doublées de plomb, pour peser autant.
Tout comme son âme qui manque tant d'allant.
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