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Une âme effarouchée
2 janvier 2023

Qualités relationnelles II

Au milieu de la nuit, l'angoisse imbibant un rêve m'expulse du sommeil. (Je fouillais un appartement, l'habitation de quelqu'un d'autre. Je ne trouvais pas ce que je cherchais, sûrement parce que je ne savais pas quoi chercher.)
3 heures du matin, assis sur le lit, je pense à mon rêve, puis je pense à mon frère qui a raconté il y a peu un songe assez similaire.
Que puis-je faire ici, seul, au milieu de la nuit?
Elle commence à me peser cette affaire de sobriété, me voilà désarmé face à mes anxiétés, comme si j'étais à poil et que de visqueuses angoisses braquaient constamment sur mon corps nu leurs gros yeux lubriques.
Les angoisses ont toujours faim, ce n'est pas qu'une histoire de réveillon, la diète n'est pas un concept qu'elles connaissent.
Que faire?
Surgit dans mon esprit l'image de mon frère, assis tout voûté sur la vieille chaise de bureau, bout de cigarette dans une main, bière belge dans l'autre, le regard coulé sous les vagues du néant.
Lui non plus ne sait pas ce qu'il cherche, alors il ne trouve pas, ce doit être une caractéristique de notre tribu.
Alors que faire ?
À part commander de la drogue, je ne vois pas, l'alcool étant une option que je n'envisage même plus. Je me rends sur un tchat, je discute en message privé, on échange vite des numéros de téléphone. Par SMS, le rendez vous est fixé pour dans 25 minutes, juste à côté de chez moi.
Les revendeurs sont très bien organisés de nos jours; à cette heure de la nuit, il paraît plus simple de se faire livrer un pochon de cannabis qu'une pizza marinara. Ce qui m'arrange, car ce n'est pas mon estomac qui a faim, non, ce qui me travaille c'est le désir d'un arrière monde où pouvoir me réfugier quand cet univers-ci me paraît trop étriqué.
Je m'habille, un peu fébrile, puis me dirige vers l'escalier de l'immeuble. Je vois, et j'entends, quelques étages de marches en dessous, un voisin qui fait faire de l'exercice à son chien. Il l'incite à monter puis descendre des étages, sûrement pour le calmer, pour faire oublier à l'animal son immobilité forcée durant toute la journée. Ce chien doit être celui que j'entends gratter, aboyer, hurler parfois comme un loup au dessus de mon appartement.
Cette nuit, il y a un peu de ce chien en moi, il me faut aussi faire de l'exercice, pas seulement physique : mon corps et mon âme ont besoin d'un massage simultané.
J'utilise l'ascenseur pour ne pas avoir à croiser surtout le maître et un peu le chien (que je plains de ne pas pouvoir se droguer à l'occasion).
À l'extérieur il fait encore doux, je me demande si je vais tomber dans un traquenard, un piège de la police mais je me raisonne en me disant qu'une transaction d'un tel petit montant ne doit pas être leur priorité en ces temps troublés.
À l'heure convenue, une voiture se gare non loin de moi pendant que je regarde (bien innocemment) le menu du restaurant italien situé au coin de la rue.
Bip, un SMS de mon contact m'informe que c'est bien le livreur dans la voiture, "salut, merci, bonne soirée",  transaction digne d'un aimable commerçant. Je rentre chez moi, nouvel SMS du responsable "Tout est Ok? Tu me feras un retour quand t'auras goûté ?".
Rapidité, disponibilité, attention portée au client, grandes qualités relationnelles : il faut toujours privilégier les petits producteurs locaux.
Plus tard, chez moi, je découvre la qualité du produit grâce auquel surgissent les instants tant désirés, où la liberté plane bien au-dessus du temps... pendant que Radio Nova diffuse un titre lent, long et enivrant, dont le refrain en boucle résonne dans ma tête "breathe.... breathe.... breathe".
Respirer... dans cet en-dehors, sur cet à-côté, il est si simple de ne pas oublier de respirer. Le cadre a soudain été élargi : l'espace ne manque plus pour venir colorer la toile. 

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