900ème - Voyeur un jour, pervers toujours

J'aime regarder certaines vidéos haute définition, celles qui se déroulent en temps réel, où un piéton (dont on ne voit tout au plus que l'ombre) traverse les rues de la ville, filmées à hauteur d'yeux de passant. On n'y était pas là bas, ce jour là, pourtant les gens et les monuments semblent nous entourer physiquement.

Quasiment chaque jour, un autre quartier est exploré, de nouveaux passants frôlent la caméra (sûrement invisible) : se doutent ils que leurs attitudes, leur look, seront scrutés via Youtube par d'oisifs pervers, tels que moi ?

Je suis fasciné par tous ces gens que je peux regarder comme si je me baladais dehors tout en étant affalé sur mon minable canapé. Beaucoup mieux même, car devant la télé, je ne crains pas de gêner les passants avec mon regard radiographique, pas plus que je n'ai peur d'être aperçu en train de les observer. 

Je mate sans qu'on me voit, sublime bonheur, je mate cent fois et sans pudeur. 

Parfois, je mets l'image sur pause, figeant les gens à ma guise, disposant d'eux comme le dieu du temps. La vidéo se transforme alors en un tableau où les intentions des uns, les gestuelles des autres, paraissent plus évidentes que dans la fluidité habituelle de leurs mouvements.

Il arrive malgré que je frémisse lorsque l'auteur de ces vidéos arpente des rues fréquentées par moi peu auparavant. J'éprouve alors une certaine fébrilité à l'idée de croiser ma silhouette et de découvrir, au détour d'un boulevard, à quoi je ressemble vraiment lorsque je ne suis plus occupé à être moi.