Le destin a le bras long

L'homme que j'entends marcher, quelques pas en arrière, souffle, de petits râles ponctuent ses pas. L'inquiétude monte en moi à l'idée d'être poursuivi, traqué. Après être entré dans l'ascenseur, je me retourne et j'ai le temps d'apercevoir la silhouette du suiveur tandis que les portes se referment. L'homme est grand, gras, mais ce qui me frappe ce sont surtout ses bras anormalement longs (les doigts de ses mains frôlent le sol), enflés et lourds. J'ai alors la nette sensation qu'il est infirme, incapable de soulever ses bras et de s'en servir tant ils semblent abîmés.

Rassuré quant à la dangerosité de l'individu, j'appuie sur le bouton d'ouverture des portes de l'ascenseur.

Je me persuade qu'il vaut mieux se confronter à son destin plutôt que de le fuir, risquant alors de le subir malgré tout si jamais cet inconnu posait prestement un pied dans l'ouverture empêchant l'ascenseur de s'élever.

L'homme aux bras immenses et enflés pénètre, sans se presser, dans la cabine; son expiration buccale vient mourir sur la peau de mon front. Je demande poliment "quel étage?" en pointant de l'index le panneau numéroté.

La réponse, escortée d'un faible sourire sur les lèvres gercées : "on peut rester ici, au rez-de-chaussée, puisque je ne suis venu que pour vous tuer".