Ma Vobary

L'été.

Des journées interminables au point que les remplir semble une gageure, sauf à avoir l'hyperactivité d'un écureuil roux préparant son hibernation.

Au moins en hiver, les jours ont honte d'eux mêmes et se rétrécissent au maximum de leurs possibilités.

Ils ne font pas les fiers comme en été, quand le soleil ne laisse pas assez d'ombre pour le dépressif : tout est trop clair, trop net, sans cachette potentielle.

Vivement la nuit, vivement l'ennui, se dit-elle, dans lesquels puiser un supplément d'âme.

Depuis qu'elle s'est levée, elle a l'impression de faire du patin à glace tout en étant sous acides; pourtant son angoisse est vraisemblablement la seule responsable de son état présent.

Elle est assise à la table de la cuisine, un rayon de soleil précoce fait miroiter le long couteau qu'elle tient à la main droite.

La tasse de café à moitié rincée de son mari surnage dans l'évier, déjà rempli en cette heure matinale.

Une mouche s'obstine à frapper la vitre en vrombissant alors que la porte fenêtre demeure grande ouverte.

Bzz-bzz

Depuis combien de temps n'a t'il pas prononcé son prénom ?

Deux syllabes, est ce encore trop lui demander ?

Toutes ces années de sacrifice, de labeurs et de restrictions...

Tout ça pour quoi ?

Elle avait espéré autre chose, quoi elle ne savait pas exactement mais quelque chose de grand.

De grand et de solide, sur lequel appuyer sa psyché chancelante et oui, elle y croit encore un peu.

Malgré des quotidiens si monotones et dépourvus d'intérêt qu'ils inoculent progressivement une forte allergie à la vie. 

Bzz-bzz,

Qu'est ce que ça peut être con une mouche quand même. 

Puis elle se rappelle.

Sa mère a toujours pensé qu'elle était trop modeste.

Pourtant, existe t'il réellement des gens modestes?

N'y a t'il pas plutôt des personnes plus ou moins conscientes de leurs qualités ou défauts?

Elle aurait pu aller loin si sa scolarité n'avait pas été interrompue au collège par un accident de la circulation la laissant à l'écart de sa classe d'âge de longs mois.

Si elle avait eu quelques centimètres de plus.

Si elle avait été un peu plus jolie.

Un peu plus vive.

Peut-être.

Bzz-bzz, cette mouche va la rendre encore plus folle, pourtant elle n'esquisse pas un geste pour la chasser ou l'écraser.

Elle aimerait retrouver le goût de l'envie, et l'envie d'avoir envie.

D'un coup sec du poignet, elle tranche une orange en deux et la presse pour en faire un jus, auquel se mêlent discrètement quelques larmes échappées de ses yeux clairs.