Pot-pourri

Elle est dépitée.

Ses cuisses frottent l'une contre l'autre tandis qu'elle descend l'avenue pour rejoindre le port.

Malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à ressembler aux femmes ornant les magazines de mode.

Il y a toujours des parties de son corps qu'elle trouve trop charnues, et d'autres pas assez.

Elle admire les peaux laiteuses des danoises ou celles ambrées des marocaines, elle qui se situe vaguement quelque part entre les deux.

"Moyen", voilà le mot qu'elle cherche depuis tout à l'heure, elle a un physique moyen, quasiment médian.

Elle voudrait croire au nouveau produit miracle, cette algue japonaise phosphorescente qui nous déleste de "1,2kg de mauvaises graisses" chaque fois que l'on dort.

Hypnotisée par l'obsession de son poids, elle s'égare tandis qu'elle traverse le parc où des bouteilles en plastique, singeant des nénuphars géants, flottent sur le petit étang.

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Il est frustré.

Il pensait avoir misé sur la bonne jument, mais force est de constater qu'elle n'a pas la peau élastique ni le fessier rebondi des stars de téléréalité qui le font tant fantasmer.

Peut-être aurait-il dû continuer à travailler Manon1989 ou Aude412, en tout cas, il pense qu'il y a forcément mieux ailleurs.

Tout à l'heure, elle sifflotait "Africa" de Toto sous la douche, putain, il la déteste déjà, du moins cette fois n'aura t'il pas dilapidé trop de temps dans la relation.

Le choix ne manque pas.

Mais parfois, quand on consulte la liste des plats d'un restaurant et que la carte est trop étoffée, on perd l'appétit sans même avoir mangé.

Il est vrai que l'être humain est surtout attiré par ce qu'il juge rare et précieux et l'abondant est rarement valorisé.

Les livres, très peu pour lui, il n'a jamais entendu parlé de Kierkegaard.

Pourtant, ne pas connaître un auteur n'empêche pas de reproduire ses schémas de pensée, bien des années plus tard.

Ainsi, son intuition lui souffle violemment que chaque choix qu'il fait détruit les possibilités pour lesquelles il n'a pas voulu (ou pu) opter.

La liberté, c'est aussi l'angoisse de se tromper de route et de mourir dans un cul-de-sac inadapté à la beauté.

Quand il était plus jeune, il se passionnait pour les jeux vidéos, explorant des mondes étranges et immenses des heures durant.

Son côté obsessionnel ne lui permettait pas de mettre le jeu de côté avant d'en avoir épuisé chaque pixel.

Telles ces personnes accro au ménage et qui traquent la poussière armées d'un coton-tige (lorsqu'elles n'en trouvent plus suffisamment dans l'appartement pour apaiser leurs névroses).

Adulte, il ne peut plus procéder comme lorsqu'il était enfant, sauf à voir s'exiler son reste de santé mentale.

Il devait se brider volontairement pour faire taire (sans l'étancher) sa soif de savoir, de connaître et de pouvoir.

Et récolter, par ricochet de la frustration, de tenaces douleurs psychosomatiques.