Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Une âme effarouchée
21 août 2017

Agnès Tannenbaum

Quand je rentre dans une pièce pour la première fois, j'inspecte toujours discrètement les plinthes et les poignées de portes.
En général, ce sont ces endroits-là que les crasseux oublient de nettoyer, pensant que les visiteurs ne vont rien remarquer.
Ces gorets me dégoûtent.
Reléguer la poussière sous le tapis est un comportement que je trouve incompréhensible car totalement irrationnel.
J'espère qu'il sera un jour hors-la-loi.
J'ai créé il y a 4 ans une entreprise employant des femmes de ménage, travaillant au domicile de mes clients.
Je n'ai recruté que des jeune filles d'origine philippine, elles sont merveilleusement dociles et corvéables.
Fort bien éduquées aussi, elles donnent sans cesse l'impression de s'excuser d'exister.
Mon travail est le plus souvent un plaisir, que je m'emploie à dissimuler car un patron souriant est un patron faible.
Le récit, par mon frère aîné, de la féérie du service militaire m'a longtemps poursuivi, depuis cette époque où j'étais encore fillette.
Plus particulièrement, l'inspection du nettoyage des sanitaires par le caporal-chef intendant du bâtiment.
La narration de l'ingéniosité avec laquelle le gradé moustachu traquait la crasse au coton-tige m'a durablement marquée.
Cela m'a aidé à croire en mes rêves et à mon destin : un jour, moi aussi je pouvais espérer vivre de mes névroses.
Névroses ou passions, deux termes désignant parfois la même préoccupation.
Certains pensent que je n'ai pas de coeur.
C'est totalement faux, mais je n'apprécie le bonheur qu'en infime quantité, je dois y être quelque peu intolérante.
Au-delà, j'ai la nette impression d'être submergée par une vague qui pourrait emporter ma raison.
Et j'ai trop peur d'y prendre goût.
Comme disait ma grand-mère : point trop n'en faut, comme avec le Porto.
De toute manière, cela pourrait être pire et je pourrais fort bien être allergique au gluten, ce serait tout de même plus invalidant que mon léger trouble!
A ce que je sache, l'histoire de l'humanité n'a pas démontré que dieu tenait absolument à ce que les hommes soient la plupart du temps heureux.
J'accepte donc la souffrance comme on tolère un vieux papier-peint, qu'on apprécie pourtant guère, mais qu'on n'a pas l'énergie de remplacer.
Je ne suis pas vierge.
Comme ma salle de bains,
Je suis immaculée.
Publicité
Publicité
Commentaires
Une âme effarouchée
Publicité
Archives
Publicité