Bête à bon Dieu

Accoudée à la barrière du pont, elle surplombe l'endroit où la grande rivière se jette dans le moyen fleuve.

Le soleil fait joliment miroiter l'eau, beaucoup de promeneurs, de cyclistes en balade pour en profiter; elle est agacée par les regards appuyés que les hommes promènent trop souvent sur ses jambes.

Elle regrette amèrement d'avoir mis une jupe aujourd'hui et se promets de ne pas recommencer avant bien longtemps.

Comment être à l'aise, s'habiller en fonction de ses envies, si on se sent désirée comme un cheese naan, comme une portion de frites, au moindre centimètre de peau dénudé?

En soupirant, elle distingue, non loin de là, le clocher de l'église art déco de la commune. Cela attire son regard, puis ses pas qui l'y emmènent sans qu'elle sache trop pourquoi. Fatiguée, elle s'assoit à l'entrée de l'église sur une chaise en bois, levant la tête pour contempler les vitraux tellement colorés, inondés par la vive lumière de cette journée printanière.

Une légère démangeaison à la main gauche la tire de ses rêveries (prières ?), elle croit alors qu'une fourmi ou un moucheron se balade sur sa peau. Baissant les yeux, elle constate qu'il s'agit en fait d'une coccinelle, d'une bête à bon Dieu qui, dans la maison de ce même bon Dieu, est venue coiffer d'un beau symbole cette journée dépourvue, sans cela, de toute signification.