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Une âme effarouchée
2 octobre 2022

Comme un cheveu sur la côte de porc

Medhi adore Nemra. 
Son petit mètre cinquante, il trouve ça mignon tout plein. 
Ses grands yeux sombres aussi, deux noisettes foncées qui l'enveloppent dans d'épaisses et moelleuses couches de douceurs. 
Il aime la poésie implicite contenue dans ses nom et prénom, lorsqu'il récite en boucle, allongé sur son canapé et fixant le plafond, l'état civil de sa belle, en prenant bien soin de détacher les syllabes : Nem-ra Co-lom-ba-ni, comme un alliage d'Italie et d'Algérie, gourmand tel un sfogliatelle à la datte. 
Nemra, traduction : panthère, sa douceur de l'hiver, un hymne au métissage, sa copine de passage. 
Pourtant, les traits de Medhi se crispe lorsqu'il nettoie la salle de bain et passe le balai dans son appartement après le départ de sa douce.
Que de cheveux perdus !  Il y en a partout! Par-tout! 
Medhi prend beaucoup de plaisir à contempler et caresser la longue chevelure ondulée de sa semi-arabe préférée. Mais il ne comprend pas comment il peut encore en rester sur la tête de la jeune femme au rythme où ils se répandent sur le sol. 
Ce soir, Medhi fulmine, pourtant il devrait être à la fête, le mardi étant habituellement sa soirée "côte de porc". 
"Quoi Medhi, tu manges du porc? " s'étonnent parfois ses collègues à la cantine ou certains presqu'amis au restaurant. 
Oui il en mange du cochon, il adore ça même le cochon, et il ne voit pas en quoi il devrait s'en passer sous prétexte qu'il porte un prénom mahometan-compatible. 
"Tiens Marie tu manges de la viande le vendredi ?" voilà ce qu'il devrait envoyer dans les dents de la greluche de la comptabilité, en fin de semaine à la cantine. 
Medhi rejoue souvent les scènes passées au travail ou bien il en répète de nouvelles en se promettant de les interpréter prochainement sur le plateau du bureau (ce qui n'arrive bien sûr quasiment jamais). 
Donc, nous sommes mardi, dehors le vent souffle en emportant les premières feuilles jaunies, les jours raccourcissent, les traits des passants s'allourdissent. Le soleil semble avoir pour de bon jeté l'éponge, empilant sans complexe les grasses matinées, allant se coucher avec les gallinacés. 
Medhi prépare sa côte de porc au paprika fumé, tout se marie bien avec le cochon mais le paprika fumé convient encore mieux ! Il apprécie sa côte grillée en surface, juteuse et quasi rosée à l'intérieur ; ce n'est pas si simple à réussir, il faut de la concentration et ... "en toute chose, de l'application" comme répétait souvent sa défunte mère. 
Une fois cuite, Medhi dépose soigneusement sa viande sur une assiette, puis l'assiette sur un plateau repas. 
Il s'assoit face à la télévision, lance le film "lost highway", par lui déjà visionné 8 fois. 
Il introduit sa première bouchée de côte de porc et la recrache aussitôt : un long cheveux nemra-isé est enroulé autour de la viande, tel un noeud enfermant un papier cadeau. 
Ecoeurement.
Dans son salon, Medhi se sent oppressé, tout comme l'est Bill Pullman à l'écran, pas pour les mêmes raisons, non... enfin, peut-être bien que si? 
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Commentaires
W
Hum. <br /> <br /> Ont-ils été bien digérés?
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D
Aïe ! Hier après-midi j'ai ficelé des choux farcis avec du fil noir...<br /> <br /> Pourvu que...
Répondre
Une âme effarouchée
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