Reflet opposé

La nuit est tombée depuis quelques heures.

La pluie, elle, paraît marteler le sol depuis au moins une éternité.

Ce soir, tes pas aléatoires sur le bitume te font passer devant un bar, des lumières chaudes éclairent parfaitement la salle à l'intérieur.

Tu jettes machinalement un coup d'oeil par les grandes vitres et remarque un client qui te ressemble vaguement. Cet homme est assis à une longue table recouverte de verres d'alcool et entourée de nombreux convives. L'inconnu a posé son menton dans le creux de sa main (pour cacher ses baillements, penses tu car tu es sûr qu'il s'ennuie).

Et cet homme assis dans le bar te regarde passer toi qui marche sur le trottoir. Vos yeux se croisent puis chacun suit son vis à vis avec des yeux remplis d'envie.

Celui se trouvant dedans, lui, voudrait respirer un peu de la liberté du dehors, se perdre, le long des rues, dans une solitude hasardeuse au milieu des passants.

Celui qui erre dans la ville, toi, fragile moucheron balloté par le vent, est attiré par les lumières et la chaleur des existences que ce lieu contient.

Mais chacun reste à sa place : la vie de l'autre est un songe qu'on oublie dès qu'on cesse de la désirer pour soi.

Tu dépasses le bar, tourne le coin de la rue.

Tes pieds écrasent des feuilles de platanes devenues bouillie, par la faute de cette pluie toujours aussi têtue.