Comédie humaine

On prend chacun une coupe glacée chez Raimo, je lui paye la sienne, avec chantilly et amandes effilées, c'est cher mais bon c'est de la qualité chez Raimo, alors allons-y : trois boules pour le prix d'un déjeuner.

Elle dit que je suis gentil de lui offrir ça mais non, ce n'est pas vraiment de la gentillesse, plutôt une manifestation de la culpabilité (et de la déception) que je ressens à ne plus avoir aucune portion d'amour à lui donner. À défaut de la chaleur de mon coeur, à défaut de désirer son corps, je lui tends une coupe glacée pour dissimuler l'ennui que je ressens désormais à la côtoyer. C'est humain ... mais c'est petit.

Vous feriez quoi, vous, à ma place ? Dire "c'est fini, arrêtons là avant de nous morfondre, au risque de nous détester et de finir aigris" ? Mais comment savoir si la semaine prochaine tout n'ira pas déjà mieux ?

En attendant, mangeons, buvons, regardons ailleurs pour ne surtout pas voir, entre nos quatre zyeux, ce couple déjà vieux qui s'ennuie à attendre que l'autre ressente encore une envie à partager.

Les minutes passent avec une langueur maniérée, écrasées par l'air lourd et les orages secs. Le temps ne s'écoule plus qu'au goutte à goutte, comme s'il était épuisé d'avoir autant travaillé depuis son origine.

Les pigeons, eux, roucoulent comme des cons dans les tilleuls, dans les cerisiers, ils forniquent à tout va, puis découpent des branchages afin de bâtir leur nid.

Ceux-là semblent avoir saisi l'essence même de la vie.

Quant à moi, je me languis d'être à nouveau seul, de continuer à parcourir ce gros recueil de Zola.

Mon existence en est là.