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Son nom c'est Goncalves, son prénom Logan, alors dans le quartier, ses potes l'appellent le Wolverine portugais. L'univers entier s'est marvellisé, y compris l'humour.

Goncalves c'est avec un "s" à  la fin, qu'il se tue à répéter, Logan, chaque fois qu'on lui demande oralement son nom, car s'il n'insiste pas là dessus on lui accole toujours un "z" au bout de son patronyme. C'est épuisant, agaçant, ça fait déjà deux décennies qu'il répète "avec un s à la fin", et il n'a que 24ans Logan alors il ne sait pas s'il aura la force de continuer tout ce cirque pendant encore 50ans (voire plus, si Dieu, Odin, Captain Universe - ou quel que puisse être le nom du boss derrière tout ce merdier - décide de faire preuve d'un sadisme avancé). Sa vie pourrait s'arrêter là qu'il ne lui en voudrait pas, ça suffit comme ça, il est déjà repu de l'existence. Il n'a pas de copine, pas de boulot, vit chez ses parents alors on le voit souvent traîner, Logan, au centre commercial; il zone dans ce grand espace "shopping food loisirs" comme indiqué en lettres géantes au dessus de l'entrée (on semble ici acheter et se nourrir en anglais, puis se détendre en français).

Parfois Logan s'arrête au "Sphinx chicha", fumer quelques instants avec des amis arabes, ses grosses fesses posées sur des chaises cannées aux dossiers en forme de coeur. Sur un écran défilent des rediffusions de matchs de foot entrecoupées de beaucoup de pubs. Les vapeurs des chichas ont des relents chimiques écoeurants, tout est trop sucré.

L'été dernier, Logan a passé deux semaines dans le Cantal, logé dans une vieille demeure appartenant à une branche de la famille assez éloigné de son tronc (mais où est donc ce foutu tronc ? Celui qui permet de se tenir droit ?). De là bas, il a ramené un t-shirt humoristique "le seigneur de l'aligot"; Logan est souvent obligé de préciser qu'il s'agit d'une référence au seigneur des anneaux. Comme l'a proclamé sa vague tante Joëlle (ou Janine il confond les deux soeurs) : "c'est un plaisir d'avoir Logan à table, il a toujours bon appétit ! Rien ne reste dans son assiette !" En effet, Logan a absolument adoré la cuisine locale, roboratif mélange de fromage, charcuterie et pomme de terre. Il apprécie, en général, la nourriture tendance gourmand/fondant, ainsi que les plats gourmand/croquant, et tous les mets gourmand/gourmand.

Il est un peu épais comme garçon, ayant dépassé le quintal. Le soir dans son lit, plutôt que de se tripoter la nouille en regardant du porno (comme la majorité des hommes seuls) il caresse lentement les bourrelets de son ventre, agrippe ses grosses poignées d'amour que lui seul semble aimer, en se remémorant des plaisirs de table passés ou bien en imaginant ce qu'il pourrait avaler le lendemain.

Logan Gonçalves se trouve en ce moment même dans la salle d'attente d'un centre de santé de la Croix-Rouge. C'est un établissement où les soins sont gratuits, mais - en guise de contrepartie - les médecins sont fréquemment en retard sur l'heure du rendez-vous. La secrétaire à l'accueil égrenne les noms des patients appelés, M. Aït Hammouche, puis Mme Ramza, puis Mme N'Goma,... Logan attend que son nom résonne enfin dans cette salle créée pour patienter, l'attente étant rythmée par le bruit des fuites d'eau ... Ploc... ploc... Ploc...  les gouttes s'échappent du plafond pour s'écraser dans des seaux en plastique posés au sol. Ploc... Ploc... Ploc...

Il n'est pas si pressé que cela de voir le docteur, il sait déjà que celui-ci lui conseillera fortement de maigrir, même si la formulation sera plus pudique "il serait opportun, à votre âge, d'essayer de diminuer votre IMC".

Blablabla...

PlocPlocPloc...

Tandis que Mme N'Goma sort de la salle de consultation et se dirige en boîtant vers la sortie, la secrétaire d'accueil parcourt des yeux son listing de rendez-vous et lance d'une voix forte :

"M. Goncalvezzzzz, c'est à vous".