Rongeur(s)
La campagne est bien jolie en cette saison, surtout lorsqu'elle est éclairée par une telle luminosité de fin d'après-midi. En contrebas, les ombres des arbres s'étirent sur le vert des prés environnant; on domine la scène depuis la terrasse de la maison de JP comme si l'on regardait un tableau dans une salle de musée.
Avec la fonte des neiges on voit (et on entend), en se baladant aux alentours, des torrents qui giclent du milieu des montagnes en gros flots bouillonnants.
Depuis de nombreux mois, JP a du mal à apprécier la beauté de la nature, la beauté du monde où qu'elle se trouve.
"Dépression massive, repli autistique et risque suicidaire majeur" selon le rapport d'hospitalisation de JP.
Depuis qu'il a réintégré son domicile, JP essaye de s'en sortir, pas (encore) de sa maison mais de son état d'abattement, de son envie d'en finir. Pour se faire, il appuie son esprit fatigué sur de nombreuses et lourdes béquilles : Coltramal, Rohypnol, Theralene, Seresta, Neocodion et whisky. Parfois tout à la fois.
Il a, depuis peu, recommencé à parler à ses enfants qui n'avaient pas entendu le son de sa voix depuis plus de 6 mois. Il leur a même offert un lapin nain pour Noël, l'animal aussitôt lâché s'est mis à ronger tous les fils électriques de l'appartement. JP, ça ne l'agace pas plus que ça, il trouve même une certaine ressemblance entre ce lapin aux mâchoires toujours en mouvement et son âme tourmentée, occupée jours et nuits à se ronger les sangs.